Shir Hever est économiste. Il est né et a grandi à Jérusalem et il vit aujourd’hui en Allemagne, après avoir renoncé à sa citoyenneté israélienne. Directeur général de l’Alliance for justice Between Israelis and Palestinians, il est aussi membre de Jewish Voice for Just Peace in the Middle East. Jusqu’à récemment, il a été le coordinateur de la campagne d’embargo militaire de BDS. Ses diverses études portent sur l’économie de l’apartheid israélien, ainsi que sur le commerce des armes. Son dernier ouvrage, intitulé The Privatization of Israeli Security (La privatisation de la sécurité israélienne), a été publié par Pluto Press en 2017. Il a accordé une série de cinq entretiens sur l’économie de guerre israélienne au média en ligne Jadaliyya, que nous avons transcrits et traduits de l’anglais. Nous publions ici la quatrième partie, qui porte sur l’effondrement de l’économie israélienne. Le premier, sur l’argent de la guerre, le second, sur l’industie d’armement israélienne et le troisième, sur l’éclatement d’Israël en tribus, sont disponibles sur notre site.
Le thème de notre conversation d’aujourd’hui porte sur l’économie israélienne. Est-elle au bord de l’effondrement ? Qu’en est-il à ton avis ?
Nous sommes soumis à un flot d’informations, principalement de la part de la propagande des médias israéliens qui tentent de nous dire que l’économie israélienne est sur le point de se redresser et que tout va bien se passer… Mais il faut prêter une attention particulière à la façon dont ils présentent leur point de vue et aux arguments qu’ils avancent. Ils aiment beaucoup utiliser le terme « résilience », comme si la résilience était une ressource spéciale des Israéliens juifs. C’est une idée raciste, comme s’ils appartenaient à une sorte de race supérieure, capable de mieux résister aux difficultés économiques que quiconque. Ils cherchent aussi à accréditer cette idée de résilience auprès du reste du monde comme moyen de relancer l’économie. Mais en revenant sur terre et en regardant la réalité en face, nous découvrons une réalité tout à fait différente.
Je voudrais te poser d’abord une question sur le budget proposé par le gouvernement israélien. Peux-tu nous dire comment il doit être adopté et pourquoi Israël n’a pas encore de budget pour 2026?
L’adoption du budget repose sur le même système que dans toutes les démocraties libérales du monde. C’est le parlement qui est habilité à adopter le budget. Cela lui permet de contrôler l’action du gouvernement. Mais Israël n’est pas une démocratie libérale comme les autres. En réalité, Israël n’est pas une démocratie. On pourrait donc penser que le fait qu’Israël enfreigne ces règles et n’adopte pas le budget de manière régulière et légale n’a pas d’importance. Pourtant, je pense que ça a de l’importance, car les partenaires commerciaux d’Israël sont des démocraties libérales et qu’Israël est évalué selon leurs critères, par exemple ceux de l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques.
Si le gouvernement israélien n’est pas capable de faire adopter un budget par son parlement, la Knesset, cela envoie un signal fort au reste du monde, à savoir que l’économie israélienne ne fonctionne pas. En effet, normalement, selon la loi israélienne, lorsque le gouvernement ne parvient pas à faire adopter un budget, il tombe et des élections sont organisées. C’est aussi le cas dans la plupart des pays du monde, mais Israël est censé adopter le budget de l’année suivante, au plus tard, en octobre. Or, le budget pour cette année 2025 n’a été adopté qu’en mars de l’année en cours. Cela signifie que le gouvernement israélien aurait dû tomber et que des élections auraient dû avoir lieu, mais le gouvernement a enfreint ces règles.
Pourquoi a-t-il enfreint ces règles ? Ce n’est pas parce qu’il n’était pas en mesure de réunir une majorité au parlement — la Knesset soutient largement le génocide en cours. Il dispose d’une très large majorité en faveur de sa politique. Mais lorsqu’il s’agit du budget, il faut faire adopter des coupes pour financer la guerre, et c’est là que ça devient délicat… Bien sûr, une écrasante majorité des membres de la Knesset veulent que l’armée israélienne continue à bombarder Gaza, à tuer plus de civils, à annexer davantage de territoires en Cisjordanie, etc. Mais sont-ils également prêts à accepter des coupes dans les budgets de la santé, de l’éducation ou des transports ? La réponse est non. En fait, le budget dont dispose actuellement Israël pour l’année 2025 a été adopté en mars, après trois mois de cessez-le-feu. L’idée était que les charges excédaient certes les revenus, mais que les dépenses militaires pourraient être fortement réduites et que l’économie allait pouvoir se redresser progressivement.
Or, nous sommes en novembre, et Israël n’a toujours pas de budget pour 2026. Cette fois-ci, le gouvernement a invoqué le prétexte du plan en 20 points imposé par Trump, que je n’appellerais pas « plan de paix », ni même un « cessez-le-feu ». Cependant, il donne aux Israéliens une nouvelle raison de croire que les dépenses militaires pourront être réduites, ce qui est la condition d’un budget viable et d’un système économique fonctionnel. Il faut pour cela que les réservistes cessent de servir et que le poste d’importations le plus important ne soit plus les munitions à larguer sur Gaza. Pourtant, Israël bombarde toujours Gaza et l’armée prévoit de maintenir les réservistes en service, pas seulement à Gaza, mais en Cisjordanie, au Liban et en Syrie. Une fois de plus, il n’existe aucun plan pour un budget réaliste. Des chiffres vont être avancés, mais quiconque comprend le fonctionnement de l’économie israélienne ne pourra pas les prendre au sérieux.
Comment Israël finance-t-il ses dépenses ?
D’abord, bien sûr, en augmentant les impôts, en particulier la TVA. Mais ce n’est qu’une goutte d’eau dans la mer. Le principal moyen de financement, c’est l’accroissement de la dette. La Banque centrale vend ses réserves de devises étrangères et émet des obligations d’État qui sont de plus en plus mal cotées — elles sont sur le point de devenir des obligations pourries. Ceux qui les achètent le font en partie pour des raisons idéologiques et ne peuvent pas sérieusement croire qu’ils seront remboursés un jour… Malheureusement, de nombreuses municipalités états-uniennes achètent encore des obligations israéliennes. Cet endettement prend aussi des formes dissimulées, dont peu de gens sont conscients.
En 2024, une grande partie des armes obtenues des États-Unis ont été livrées gratuitement à Israël par Joe Biden, mais Donald Trump a partiellement mis fin à cette pratique. Au-delà d’une dotation de 3,8 millions de dollars par an — ce qui reste supérieur à ce que tout autre pays reçoit —, Israël devra maintenant payer. L’armement importé d’autres pays est acquis à crédit — il sera payé ultérieurement, ce qui représente une dette cachée. De même, le ministère israélien de la Défense rémunère grassement ses réservistes, comme nous en avons parlé lors de notre second entretien, sur son propre budget, alors qu’il n’a aucune autorisation de dépense pour de tels sommes et que c’est comme s’il imprimait de la monnaie sans que personne ne sache pour quels montants. C’est un secret militaire. Israël trompe les agences de notation, les banques et les marchés internationaux, et finance ainsi la guerre et le génocide pendant une semaine de plus, pendant un mois de plus, etc. Mais tôt ou tard, cela va devoir prendre fin.
Existe-t-il des chiffres actualisés sur l’ampleur de l’émigration israélienne, sur le nombre de gens qui quittent le pays ? Sait-on qui sont ces personnes ?
En réalité, le fait qu’Israël ne sache pas combien de personnes quittent le pays, pour combien de temps et qui elles sont, est également le signe que les services publics dysfonctionnent totalement. En effet, Israël est généralement obsédé par sa démographie, par le rapport entre le nombre de Juifs et de non-Juifs dans sa population, par le nombre de Palestiniens qui vivent dans les zones occupées, par le nombre de personnes qui partent et par le nombre de personnes qui arrivent, etc. Cela suscite le besoin d’accumuler des données assez complexes que les statistiques centrales ne parviennent plus à collecter. Il existe pourtant des estimations et des rapports partiels et ils indiquent que des centaines de milliers d’Israéliens quittent le pays, même s’il y en a d’autres qui arrivent. Dans l’ensemble, le bilan est négatif, mais pas suffisamment pour réduire de façon absolue la population d’Israël.
Le véritable enjeu tourne autour de la caractérisation des personnes qui s’en vont. Les informations disponibles indiquent qu’il s’agit des personnes les plus instruites. Il s’agit de jeunes parents avec leurs enfants, car ce sont eux qui ont la plus forte motivation pour s’en aller. Ils veulent élever leurs enfants dans un pays où ils seront en sécurité et auront accès à un bon enseignement. Ce sont des personnes qui ont les moyens de partir, certaines d’entre elles ont un deuxième passeport, d’autres ont la possibilité de suivre des études à l’étranger, d’autres enfin répondent à des offres d’emploi à l’extérieur. Ils ont tendance à parler plusieurs langues. Ce sont donc essentiellement des personnes de la classe moyenne, des professionnels qui ont des compétences très recherchées. Cela aggrave la crise en Israël, où il y a une pénurie de médecins, d’ingénieurs, de programmeurs, etc.
La Knesset dispose d’un département de recherche, auquel elle peut demander de conduire des études. Ce centre vient de publier un rapport sur le nombre d’Israéliens qui partent chaque année et sur leur profil ? Ce document est fascinant. Il montre que la vague des départs a commencé en 2020 et qu’il a connu une accélération à partir de 2022. Depuis lors, chaque année, le nombre de personnes qui quittent le pays augmente de 50 %, soit une progression géométrique explosive. Parallèlement, le nombre de personnes qui arrivent en Israël diminue en chiffres absolus et ce sont aussi celles qui sont les plus susceptibles de repartir assez rapidement, parce qu’elles ont encore une partie de leur vie et de leurs liens à l’étranger. Parmi ceux qui sont nés en Palestine et qui quittent le territoire, la quasi-totalité sont des Juifs ; très peu sont des Palestiniens ayant la citoyenneté israélienne. Cela montre que beaucoup de Juifs ont perdu tout espoir dans l’avenir de l’État sioniste et qu’ils quittent le pays parce qu’ils sont profondément déçus.
A-t-on des informations sur les personnes qui seraient venues s’installer en Israël au cours de ces deux dernières années ? D’abord, y en a-t-il ?
Le gouvernement israélien a fait de nombreuses déclarations, prétendant qu’après le 7 octobre 2022, de nombreux Juifs du monde entier avaient voulu venir en Israël pour s’engager dans l’armée et défendre l’État d’Israël. Mais les données objectives montrent que c’est absolument faux et que rien de tel ne s’est produit. En réalité, ceux qui immigrent en vertu de la loi du retour, qui accorde automatiquement la citoyenneté à toute personne reconnue comme juive selon les critères de l’État, sont de moins en moins nombreux d’année en année.
Il y a eu une légère augmentation de leur nombre en 2015, après les attentats de Paris, il y a 10 ans. Netanyahu s’était alors rendu en France et avait appelé les Juifs du pays à immigrer en Israël. Quelques milliers d’entre eux sont alors venus en Israël et ont profité des dispositions de la loi du retour qui leur garantissait certains avantages fiscaux ou de logement. Ils ont obtenu le passeport israélien, puis une partie d’entre eux sont retournés en France. Ils sont désormais également des citoyens israéliens.
L’idée qu’Israël est un refuge sûr pour les Juifs a-t-elle changé depuis le 7 octobre ?
Je pense qu’elle a changé à deux niveaux. Il y a des Israéliens qui disent, qu’après le 7 octobre, l’incapacité du gouvernement à protéger ses citoyens et à garantir un cessez-le-feu et le retour des otages, etc., les a convaincus que le projet sioniste n’était plus viable. Ceux qui disent cela le plus ouvertement ont généralement plus de 70 ans, et la raison pour laquelle ils s’expriment ainsi, c’est qu’ils se souviennent du 6 octobre 1973, il y a cinquante ans, lorsqu’Israël avait été surpris par une autre attaque surprise. C’était la guerre de 1973, et après elle, une génération de jeunes Israéliens ont dit qu’ils veilleraient à ce que ça ne se reproduise plus. Ainsi, lorsque ça s’est reproduit, en 2023, ils ont été fortement ébranlés.
En revanche, les plus jeunes ne s’expriment pas aussi ouvertement. Ils sont moins enclins à dire que le projet sioniste est condamné. Ils se prononcent plutôt avec les pieds. Même les membres de ma famille qui ne pensent pas du tout comme moi et se considèrent toujours comme sionistes, trahissent un certain désarroi lorsqu’ils me demandent si c’est difficile d’obtenir un permis de séjour en Allemagne, quel est mon loyer et comment fonctionne le système d’assurance maladie là-bas.
Ce qui commence à tarauder les Israéliens, ce sont les pronostics d’avenir. Est-ce que les choses vont s’améliorer, même petit à petit, ou est-ce qu’elles ont plus de chances de se détériorer ?
Israël a connu plusieurs crises économiques par le passé, l’une au milieu des années 60, une autre en 1982, enfin une troisième en 2002, au moment de la seconde Intifada. Comment peut-on rapprocher ces crises de la situation actuelle ?
Toutes les crises que tu as mentionnées étaient très graves et ont eu un impact sur le niveau de vie des Israéliens. Mais la crise que traverse actuellement ce pays se déroule dans un contexte très différent. L’économie et la société israéliennes ont beaucoup changé. En tant que colonie de peuplement, pendant de nombreuses années, Israël n’a pas pu se permettre d’être un État capitaliste comme les autres. Au début de l’histoire des États-Unis ou de l’Australie, le contrôle gouvernemental était très fort et la propriété collective de la terre plus importante qu’ailleurs, pour donner aux colons blancs un avantage sur la population indigène. La même chose s’est produite en Israël : il y était beaucoup de socialisme, réservé à un seul groupe, bien sûr, et non aux autres. Israël a commencé comme un État social-démocrate pour sa population juive, avec une protection sociale importante.
Il y avait ainsi une sorte de contrat social entre l’État et le peuple. Le gouvernement vous soutient, mais si l’État a besoin de vous, vous vêtissez l’uniforme, prenez les armes et allez au combat au péril de votre vie. Les colons-soldats sont soutenus par l’État en temps de paix et ils se battent pour lui en temps de guerre. Mais Israël ne pouvait pas rester le seul État social-démocrate du monde occidental, même pour les seuls Juifs. En fait, il a subi beaucoup de pression, surtout après la crise du début des années 1980, pour libéraliser son économie, démanteler l’État providence et privatiser le domaine public. Ce processus a été long et se poursuit encore aujourd’hui, provoquant la précarisation d’une grande partie de la population, avec le démantèlement du réseau de protection sociale.
Ce processus a érodé en profondeur le contrat social qui liait les citoyens juifs à l’État. Pendant les crises précédentes, malgré leurs difficultés économiques, les gens rechignaient moins à servir dans l’armée et à risquer leur vie. Mais aujourd’hui, de nombreux Israéliens se demandent pourquoi ils devraient se sacrifier pour un État qui ne fait plus rien pour eux, alors la crise s’aggrave et qu’elle déchire en profondeur le tissu social. Par exemple, l’une des villes qui a été la plus durement touchée par l’attaque du 7 octobre, c’est Sderot. La majorité de la population y vit au-dessous du seuil de pauvreté. J’ai vécu dans cette ville pendant un an, juste avant l’âge d’être enrôlé dans l’armée. Or, les jeunes avec lesquels je travaillais là-bas me disaient qu’ils n’avaient aucune intention de devenir soldats, parce que l’État d’Israël les avait condamnés à la pauvreté. Ils m’ont aidé à ouvrir les yeux et je leur en suis reconnaissant. Ils m’ont aidé à prendre la décision de ne pas servir moi-même dans l’armée.
Il y a beaucoup d’autres exemples comme celui-ci qui montrent combien le tissu social de la société juive israélienne s’érode. De plus en plus de gens estiment qu’il n’y a plus de raisons de sacrifier leur propre bien-être et celui de leurs enfants pour soutenir le projet sioniste, et qu’il paraît plus rationnel de faire leurs valises.
Lorsque tu parles d’effondrement de l’économie israélienne, puisque c’est le thème de notre entretien d’aujourd’hui, de quoi veux-tu parler précisément ?
Je veux parler de l’effondrement de l’économie capitaliste israélienne. Pourquoi cela ? Parce que le capitalisme repose sur l’idée d’une croissance continue. Si une récession intervient et que les gens pensent qu’elle va durer un certain temps et que les choses vont redémarrer, alors ils ne perdent pas espoir. Mais s’ils commencent à penser qu’il n’y a plus de croissance durable à l’horizon, que la reprise n’est pas au coin de la rue, pour paraphraser le président Hoover, alors il ne s’agit plus d’une crise, mais d’un effondrement. Les gens n’achètent pas de maisons s’ils pensent que la valeur de l’immobilier va durablement baisser. Personne ne veut fonder une famille, s’il pense que ses enfants auront une vie difficile dans ce pays. Ainsi, le nombre d’étudiants stagne. Les gens ne voient plus l’intérêt de commencer des études supérieures. Ils n’investissent plus dans l’éducation, dans l’avenir.
Ils se rendent compte aussi que le gouvernement dissimule une dette faramineuse, qu’ils vivent sur du temps emprunté, que ce mensonge va tôt ou tard éclater au grand jour. Il n’est pas difficile de comprendre qu’Israël dépense beaucoup plus qu’il ne gagne et qu’il ne fait que se mentir à lui-même et à tout le monde. Mais il s’agit d’une politique à très court terme. On peut parfois entendre les responsables israéliens du ministère des Finances avouer qu’ils vont droit dans le mur. Certains ont démissionné, partagés entre protestation et désespoir. Il faut dire que leur ministre de tutelle, Bezalel Smotrich, est un colon d’extrême droite qui se définit comme fasciste et homophobe. Et lorsqu’on l’interroge sur le budget, il refuse de parler d’économie, il répond que c’est un budget de guerre et que Dieu donnera la victoire à Israël. C’est pour ça que je parle d’« effondrement » et non seulement « crise ».
Tu as évoqué « les arguments » de Smotrich, qui peuvent être considérés comme un pur discours idéologique. Mais celui-ci ne parvient-il pas à convaincre aujourd’hui une bonne partie de la classe politique israélienne, voire la majorité des Israéliens ?
Les gens qui pensent comme lui représentent une très petite partie de la population israélienne. La religion qu’il professe est un mélange de nationalisme, de sionisme et de judaïsme. Elle est pratiquement inexistante en dehors d’Israël. Et en Israël même, elle ne concerne que 7 % environ de la population juive. Il s’agit d’une fraction très minoritaire, imbue d’une idéologie messianique sectaire qui repose sur les idées de sacrifice de soi et de vengeance. Le père de l’un des otages israéliens qui ont été enlevés le 7 octobre appartient à cette fraction. Dans une interview, il a déclaré qu’il ne demandait pas au gouvernement de libérer son fils, parce qu’il considérait son sacrifice comme nécessaire pour « libérer » le territoire de Gaza et le conquérir. Quand cette interview a été diffusée par la télévision israélienne, elle a suscité la crainte et l’horreur. Je pense que cela a contribué au sentiment de désespoir que ressent la grande majorité des Israéliens qui ne partagent pas l’idée qu’il faut sacrifier ses enfants.
Bien entendu, la plupart des Juifs israéliens partagent une idéologie sioniste et ceux qui se disent laïques ne sont pas aussi laïques qu’ils le prétendent. Vous connaissez la fameuse blague selon laquelle les sionistes ne croient pas en Dieu, mais croient que Dieu leur a donné la terre d’Israël. C’est vrai ! Ils souhaitent un État colonialiste dans lequel ils représentent la « race supérieure », dotée de privilèges, de confort et de richesse. Mais ce n’est pas ce dont parle Smotrich. La gloire de Dieu et la guerre sainte ne peuvent pas enflammer l’imagination d’une société aussi profondément inégalitaire et fragmentée…
* Propos recueillis par Bassam Haddad, Professeur à la Schar School of Policy and Government de la George Mason University, Fairfax, Virginie, pour le média en ligne Jadaliyya.
