Le sentiment de peur, d’incertitude et de repli occupe une grande place dans la politique actuelle. Nous vivons une période troublée, marquée par les crises et les ruptures, les temps lents et les impasses, mais aussi par l’accélération et l’aggravation des tendances destructrices du capital. La place centrale occupée par la montée de l’extrême droite réactionnaire mondiale, l’augmentation des contradictions interimpérialistes accompagnée d’un réaménagement géopolitique, et l’intensification violente des processus d’extraction de valeur, confirment l’une des phrases les plus répétées ces dernières années : nous sommes entrés dans un nouveau cycle politique.
Face à un nouveau cycle politique
Reconnaître ce changement de cycle implique de repenser nos modes d’action. Il s’agit de revoir nos pratiques, nos outils de lutte et nos modes d’organisation afin de les adapter aux rythmes et aux besoins du moment, afin d’être capables de détecter les médiations qui nous permettent d’avancer vers notre objectif et d’orienter ainsi notre intervention.
Dans le cas qui nous occupe, cela implique de concrétiser toute politique sexuelle radicale en examinant la sexualité comme un fragment du miroir à recomposer et en renforçant les éléments subversifs des dissidences sexuelles qui élargissent le champ des conflits de classe. Une tâche que nous, activistes révolutionnaires dissidents, abordons avec la conviction que les luttes pour la libération sexuelle et de genre sont un outil de lutte essentiel pour articuler le sujet de classe, repositionner le conflit et avancer vers un horizon libidinal et émancipateur pour l’ensemble de la classe travailleuse.

Face à l’ampleur de la tâche que nous nous proposons et conscients que toute conclusion doit aller au-delà du domaine de l’abstraction, l’objectif de ces lignes est d’aborder la sexualité à partir de la notion de crise et d’entrevoir les lieux sur lesquels inscrire tout pari sexuel radical dans la praxis réelle de la politique des personnes exploitées et des opprimées.
1. Nos sexualités en temps de crise
Si nous partons du principe qu’aucun aspect de la vie capitaliste — y compris la sexualité, les affections, les soins et le désir — n’existe de manière isolée par rapport à une formation sociale, nous devons également reconnaître que l’organisation du conflit antagoniste dans ces domaines n’est pas non plus étrangère ou externe aux relations économiques qui existent dans nos sociétés et mérite d’être questionnée, discutée et actualisée. Il est donc essentiel que les activistes qui se reconnaissent dans le mouvement de la dissidence sexuelle soient capables de comprendre les implications spécifiques des crises sur nos vies et sur les relations sociales de classe dans lesquelles nous sommes insérés.

Dans la perspective marxiste, les crises sont considérées comme un élément fondamental du processus d’accumulation et de sa tendance au développement illimité des forces de production et de reproduction. Elles sont le résultat inévitable du mode de production capitaliste qui, avec ses exigences toujours plus pressantes en matière de temps et de ressources, se heurte de plus en plus violemment aux limites de sa richesse.
L’irruption des crises dans le processus de reproduction du capital et leurs effets sur les dynamiques d’accumulation ne peuvent pas être déduits dans l’abstrait, ils s’inscrivent dans des contextes historiques concrets. Dans leur développement général, nous observons ainsi une tendance à restaurer et à étendre le pouvoir du capital. Ainsi, en temps de crise, nous constatons non seulement comment les contradictions du mode de production capitaliste deviennent évidentes, mais aussi comment ses mécanismes de domination s’intensifient [1].

Les crises du capital ne sont pas seulement un moment où l’accumulation est interrompue : au cours de leur développement, des dynamiques de pouvoir sont également mises en place pour rétablir les conditions d’un nouveau cycle d’accumulation. Elles deviennent ainsi à la fois une rupture et un point de départ, à la fois une contradiction et une méthode de résolution du capital, et à la fois une barrière et un « cycle de rajeunissement de l’accumulation ».
Cette ambivalence qui traverse le rôle des crises nous amène à complexifier leur définition, à sortir des déterminismes qui nous conduisent à les concevoir uniquement comme des signes de faiblesse du pouvoir du capital, et à apprécier que la prévalence des dynamiques qui permettent au capital de revenir dans son sillon dépend également de l’équilibre des forces du moment. Leurs possibilités de contestation, de confrontation, ne doivent donc pas être sous-estimées et, pour cette raison, les dissidences sexuelles ne devraient pas être étrangères à leur développement.
Les turbulences qu’entraîne aujourd’hui l’aggravation des crises multiples, successives et entremêlées qui traversent notre vie quotidienne se traduisent par une reconfiguration des régimes sexuels et des structures qui les soutiennent. Une reconfiguration de la manière qu’a le capital de se rapporter à nos corps et à nos sexualités dissidentes, de la façon dont nos affections, nos soins et nos désirs s’inscrivent dans ses circuits d’extraction de valeur, et de la façon dont notre différence est tolérée sans remettre en question la base économique sur laquelle repose cette extraction. Une reconfiguration qui redéfinit le nombre de caresses autorisées [2] afin que les dissidences sexuelles ne nous détournent pas de notre voie dans la reproduction du capital, et qui génère de nouvelles normes dans le jeu de la concurrence pour les droits au sein des États néolibéraux.

Ainsi, dans ce nouveau cycle politique réactionnaire, nous assistons à la montée en puissance de paniques morales et conservatrices qui reformulent les logiques d’assimilation/acceptation de nos corps et de nos sexualités dans la normalité capitaliste. Nous assistons à l’exaltation des processus de désublimation [3] qui disciplinent et contrôlent de plus en plus nos corps, nos vies, nos affections, nos soins et nos désirs ; et à des dynamiques de renforcement des postulats autoritaires, qui fragmentent et désagrègent les dissidences au nom de la sécurité par le biais des forces policières, des barrières des frontières et des droits restreints, voire niés. Nous nous trouvons dans un contexte défavorable à la mise en place d’une pratique politique dissidente dans laquelle l’urgence de la résistance n’efface pas la nécessité d’articuler une offensive des subalternes.
2. Recomposer le miroir : collectiviser l’intimité
La notion de crise et sa compréhension à partir de la critique de l’économie politique alimentent la pulsion de rompre avec les apparences de la réalité sociale que le capital a déformées. Elle nous montre qu’il existe une relation, une correspondance entre les relations sociales — la sexualité, le genre, la race, les capacités, etc. — et les processus d’accumulation par dépossession qui caractérisent le capitalisme actuel, qui n’est pas rigide, qui évolue et se transforme à mesure que le capital se reconfigure, au gré des crises et des restaurations. Il nous dessine une carte différente, dans laquelle les frontières entre vie privée et mode de production capitaliste s’estompent, et dans laquelle les traces des oppressions qui marquent nos expériences n’ont plus de sens si nous les analysons séparément.
Le prisme de la totalité nous permet de délimiter notre position face aux théories des systèmes doubles, triples ou quadruples, en contestant celles qui, dans le domaine de la politique révolutionnaire, posent l’oppression de genre et l’hétérosexualité comme des conditions logiques préalables au capital. Loin de nous placer dans une discussion abstraite, cette contestation nous montre l’importance théorique de distinguer dans notre praxis révolutionnaire entre les concepts d’exploitation et d’oppression, entre les notions de condition logique ou de conséquence nécessaire, et comment leur compréhension différentielle fait émerger des enjeux politiques et stratégiques divergents.

Ainsi, pour les courants qui considèrent que c’est à partir des conditions individuelles et spécifiques de vulnérabilité et d’oppression que le capitalisme modèle et façonne les différentes formes d’exploitation et que, par leur intermédiaire, il reproduit les conditions spécifiques de vulnérabilité, il devient correct de penser l’hétérosexualité comme base de l’économie [4]. Pour eux, l’hétérosexualité devient plus qu’une orientation sexuelle : c’est un mode de production des personnes qui hiérarchise les différences anatomiques et produit une doctrine de la différence sexuelle, telle une « marque imposée par l’oppresseur » (Wittig, 1992).
Il en découle une défense du séparatisme comme pratique politique nécessaire. Car comment pourrions-nous partager des espaces avec nos antagonistes, alors que nous sommes des personnes dissidentes sexuelles et de genre, mais aussi révolutionnaires ? Toute politique mixte serait une coopération interclassiste et inconciliable avec un horizon d’émancipation.
Cette question prend une tournure différente en partant de notre point de vue. Pour nous, la classe n’est pas une identité : c’est une position dans le système, et non une somme de difficultés individuelles. Pour paraphraser Holly Lewis, la classe est la mystification de toutes les relations sociales afin de les mettre au service de la production de plus-value. Ainsi, dans une perspective globale, nous soutenons que c’est le processus d’accumulation capitaliste qui produit, ou contribue à produire, différentes formes de hiérarchie sociale et d’oppression comme conséquences nécessaires à l’extraction et à l’appropriation d’un surplus plus important.
Nous reconnaissons une relation dialectique entre la logique de l’accumulation capitaliste — omniprésente, en mouvement — et les hiérarchies sociales, qui ne se produit pas seulement sur le plan abstrait : elle est traversée par les formes de relations sociales existant dans le capitalisme. Comme le souligne Cinzia Arruza, cela ne signifie pas que le genre et la sexualité ne produisent pas de bénéfices : la reproduction du régime hétérosexuel permet d’occuper des places supérieures dans l’ordre social, d’avoir un plus grand degré d’acceptabilité, de travailler dans de meilleures conditions que les personnes qui se trouvent en marge, et de disposer d’un accès privilégié à la violence et à la domination sur les autres.
L’hétérosexualité devient un dispositif supplémentaire dans le répertoire du capital pour la division et le conflit entre les personnes exploitées et les opprimées, au sein d’une même classe ; et, par conséquent, le capital n’y est pas indifférent, ni ne s’y rapporte de manière opportuniste ou contingente, il la (re)produit comme un sous-produit pour l’accumulation. Il la (re)produit comme un outil pour obtenir un taux d’expropriation plus élevé.

C’est cette relation entre le capital et la sexualité qui conduit les dissidences sexuelles et de genre marxistes, tout au long de l’histoire, à œuvrer pour recomposer le miroir brisé dans lequel se reflète la politique de classe et à rendre visible que, sans les personnes stigmatisées de la classe ouvrière, sans nos luttes, la réification capitaliste continue d’opérer et de restreindre l’émancipation sexuelle réelle de toutes les personnes exploitées et opprimées.
C’est pourquoi les luttes pour la libération sexuelle et de genre deviennent un lieu de confrontation politique pour l’ensemble de la classe, un terrain fertile pour la lutte antagoniste, qui met à nu le caractère idéologique et socialement construit des structures qui soutiennent les processus de production et de reproduction du capital. Et qui, à son tour, fait apparaître les failles de l’intimité capitaliste et remet en question la manière dont le capital régule et exerce un contrôle sur nos corps, nos vies et nos sexualités. Une brèche qui ouvre la porte à la transformation de nos affections, de nos soins et de nos désirs en vecteurs de conflit.
3. Des organisations pour toutes les personnes, des organisations pour le conflit
Si, au début de cet article, nous avons souligné la nécessité de revoir les pratiques et les formes d’organisation des dissidences sexuelles et de genre afin de les adapter à la situation actuelle, les notions marxistes de crise et de totalité font partie de notre répertoire stratégique pour nous repenser. Elles agissent comme des outils qui nous permettent de réfléchir au rôle que jouent aujourd’hui les dissidences sexuelles et de genre dans les luttes qui traversent nos réalités quotidiennes, à la manière dont nos organisations s’inscrivent dans l’ensemble de la lutte antagoniste — et, si ce n’est pas le cas, à nous demander pourquoi —, et à ce que devrait être notre rôle dans le développement de la lutte des classes.
Ces questions nous ramènent rapidement aux coordonnées du débat classique entre reconnaissance et redistribution, et elles complexifient et élargissent notre regard, laissant derrière elles les dichotomies simplistes qui les entourent. Nous sommes confrontés à une relation dialectique entre les deux positions, qui conteste la position qui ne voit la reconnaissance que sous l’angle des politiques identitaires néolibérales et qui cherche à rétablir la dimension collective des identités en rappelant les structures communautaires, ouvrières, de soutien mutuel et de subsistance qui ont accueilli l’identité en tant que lutte dans le passé [5] et qui continuent de le faire aujourd’hui face à la montée réactionnaire. Et, à partir de cela, accepter que la solution du débat ne réside pas dans le rejet de la politique de reconnaissance en soi, mais dans la capacité à élargir sa conception en la reliant aux conditions matérielles, sociales et historiques concrètes qui composent nos vies et en en faisant un lieu de conflit antagoniste.
Ainsi, le conflit qui nous permet d’avancer dans l’auto-organisation des dissidences sexuelles et de genre de la classe travailleuse va au-delà des luttes qui défendent le droit des personnes différentes à être et à vivre comme des personnes différentes. Au-delà de celles qui réduisent l’horizon de la libération sexuelle et de genre à une demande d’égalité dans la misère. Notre répertoire d’outils pour le conflit doit viser à surmonter ces dynamiques qui nous placent constamment devant le choix entre ghettoïsation et adaptation, comme si les deux étaient des recettes magiques face à la précarité, l’urgence du logement, le racisme, la violence lgbtiphobe… et non des stratégies de fragmentation dans lesquelles seuls gagnent les sujets les plus visibles, les moins gênants pour la cis-hétéronormativité et la reproduction sociale du capital.

Face à ceux qui situent le conflit aux confins de l’identité et dissocient la sexualité de l’ensemble de la réalité sociale que nous vivons, nous devons également être prudents, en particulier avec ceux qui, face au conflit antagoniste, rejettent toute question relative à la sexualité et au genre comme terrains de lutte. Ni la sexualité comme élément isolé ni l’aveuglement collectif face aux spécificités propres au capital sur les dissidences sexuelles et de genre. La reconnaissance dans le cadre des luttes pour la redistribution ne se fait pas automatiquement, pas plus que la prise de conscience que mener des luttes contre la précarité ou pour la défense des services publics revient à parler de libération sexuelle et de genre. L’hétérosexisme et le cissexisme sont étroitement liés lorsque, sous l’apparence d’une réalité homogène pour l’ensemble de la classe ouvrière, le rôle des oppressions dans les relations de production et de reproduction du capital est brouillé.
Alors, quels types de conflits pouvons-nous dire qu’ils peuvent jouer un rôle dans la révision et la reconfiguration du mouvement pour la libération sexuelle et de genre ? Ce sont ces luttes, ces ruptures, qui nous permettent, à nous les dissidents sexuels et de genre, d’affirmer que la réponse à nos besoins ne peut se faire uniquement pour nous. Des conflits qui nous permettent de déprivatiser la sexualité, l’affectivité, le désir, le genre et les soins dans un sens politique, de les déplacer des coordonnées propres aux dissidences et de les remettre en question dans une perspective large pour l’ensemble de la classe travailleuse.
Les avancées vers la défamiliarisation du care sont-elles une question qui doit être résolue de manière différenciée pour les dissidences sexuelles et de genre et les personnes cisgenres ? La question de l’accès au logement doit-elle être distincte en fonction de notre orientation sexuelle, de notre expérience du genre ? La défense des services publics ne doit-elle pas être menée par les dissidences sexuelles et de genre aux côtés du reste de la classe travailleuse ? Les réponses à la montée réactionnaire mondiale doivent-elles être données séparément ? Notre engagement dans le conflit s’inscrit ici, dans la reconnaissance que nous — en tant que personnes dissidentes sexuelles et de genre et appartenant à la classe travailleuse — faisons partie de la base sociale pour laquelle nous luttons, non seulement lorsque nous parlons de sexualité, mais aussi de l’ensemble des éléments qui occupent et préoccupent la classe à laquelle nous appartenons.
Nous voulons intensifier le conflit à partir de différentes coordonnées : être capables de nous déplacer ensemble là où il existe un potentiel de lutte antagoniste. Qu’est-ce que cela signifie ? Rapprocher les mouvements de libération sexuelle et de genre des conflits qui traversent l’ensemble de la classe travailleuse, remettre en question les formes d’organisation, de discours et de disputes politiques hétéronormatives, cisgenres et patriarcales ; mais aussi rapprocher les mouvements et les syndicats dans lesquels nous sommes organisés des luttes pour la libération sexuelle et de genre, en soulignant que toute contestation en termes d’identité doit aller de pair avec une lutte redistributive, doit aller de pair avec une politique de classe pour tout le monde. Ce dialogue doit nous permettre d’étendre et de radicaliser les conflits, d’élargir nos dynamiques organisationnelles et nos stratégies de lutte.

Conclusion : entrevoir un front des personnes exploitées et opprimées
Si toute pratique politique déployée par les dissidences sexuelles et de genre doit agir comme un revers défensif pour l’émancipation de l’ensemble de la classe ouvrière, il devient fondamental de réfléchir à la manière de dépasser la dynamique actuelle du mouvement pour la libération sexuelle et de genre, car celle dont nous avons un urgent besoin est encore à construire.
Placer les dissidences sexuelles et de genre au cœur de la recomposition des classes sociales ne découle pas seulement de la volonté de construire un nouvel avenir pour les personnes exploitées et opprimées, mais aussi de la reconnaissance et de la mise en valeur des expériences et des pratiques qui existent déjà aujourd’hui et qui sèment les graines de l’avenir auquel nous aspirons. Il s’agit d’être capables de rediriger notre attention : décentrer les politiques identitaires néolibérales et faire de toute politique de classe une brèche pour la construction d’une politique sexuelle radicale. Que rien de ce qui se passe ne nous soit étranger, car nous ne sommes étrangères à rien. Ainsi, mettre en pratique les enseignements tirés de luttes concrètes qui, ces dernières années, ont réussi à tisser des liens entre les luttes pour la libération sexuelle et de genre et les pratiques de syndicalisme social et d’auto-organisation populaire.
On en trouve des exemples dans l’expérience des Inverti·es dans la lutte pour la défense des retraites en France, mais aussi dans le rôle joué en Argentine par l’Assemblée LGBTIQNB+ Antifasciste dans l’organisation de grandes marches contre le gouvernement Milei, et dans le travail international réalisé par l’espace Queers in Palestine depuis le début du génocide. Leur action politique est née et continue de naître des réalités vécues par les dissidences sexuelles et de genre, mais leur proposition de solution a toujours dépassé et dépasse encore leur propre cadre.
Cela implique également d’être capable de dépasser les dynamiques autoréférentielles pour affirmer que nos luttes articulent également un sujet plus large que les dissidences sexuelles et de genre elles-mêmes en encourageant la politique sexuelle radicale à se manifester par tous les moyens possibles. Il faut s’inspirer des expériences de lutte du nouveau syndicalisme américain : par exemple, du processus de lutte lancé par Starbucks Workers United, dans lequel, à travers des revendications concrètes des mouvements de libération sexuelle et de genre, des conflits du travail ont été déclenchés qui ont favorisé la syndicalisation et renforcé un pôle de lutte contre la précarité dans les secteurs minoritaires du paysage syndical. Il faut donc parier sur le fait que nos revendications, nos besoins, puissent devenir des outils pour construire la solidarité de classe.
Aller dans cette direction peut signifier des conversations en suspens et des discussions non résolues entre les structures qui façonnent aujourd’hui les luttes pour la libération sexuelle et de genre, mais cela souligne également la nécessité de prendre soin des espaces transféministes et anticapitalistes dans lesquels nous sommes organisés et de les orienter vers le conflit. En réalité, il se peut aussi qu’en ces temps de montée de l’autoritarisme, de la réaction et du libéralisme, il reste nécessaire de renforcer l’auto-organisation des dissidences, sans pour autant minimiser la nécessité de dépasser les limites des luttes pour la libération sexuelle et de genre.
En définitive, ce qui nous importe peut-être le plus, c’est de transformer les pratiques organisationnelles des dissidences sexuelles et de genre en outils au service d’une politique radicale pour tout le monde, et d’enrichir la lutte anticapitaliste à partir des perspectives dissidentes qui émergent au sein des luttes syndicales, antiracistes, antivalidistes, féministes, écologistes et antifascistes. Une position à partir de laquelle nous pouvons identifier nos ennemis communs et nous unir, à partir de laquelle nous pouvons entrevoir un front commun des personnes exploitées et opprimées qui fait face au capital.
*Cet article est paru le 11 septembre 2025 sur le site Viento Sur. Notre traduction de l’espagnol.
Joana Bregolat est militante de Anticapitalistas dans l’État espagnol et membre de l’Área de disidencias LGTBIQA+.
Références
Arruza, Cinzia (2015) « Logic or History? The Political Stakes of Marxist-Feminist Theory ». Viewpoint Magazine.
Clarke, Simon (1990/1991) “The Marxist Theory of Overaccumulation and Crisis”, Science & Society, 54 (2), pp. 442–467.
Drucker, Peter (2015). Normalité Gay et transformation Queer. https://lecturesantiimperialistes.org/normalite-gay-et-transformation-queer/
Hybris, Ira (2022) “Introducción al marxismo queer. Conceptos para una política radical desviada”. Rojo del Arcoíris, Vol. 1, pp. 67-81.
Lewis, Holly (2016) The Politics of Everybody. Feminism, Queer Theory, and Marxism at Intersection, Zed Books.
Mau, Søren (2025) Contrainte muette. Le pouvoir économique du capital. Éditions Sans Soleil.
